Les débuts de Breyell II


Clinomètre

Breyell II

20 Mai 68. En hommage à la disparition accidentelle de l'un de ses employés, l'industriel belge Edward de Beukelaer, baptise du même nom que son voilier précédent son tout nouveau racer-cruiser "Breyell", ville d'Allemagne où se déroula ce tragique événement dans l'une de ses unités de production.

Comme tout nouveau bateau lancé au chantier Maas, Breyell II est équipé du clinomètre maison gravé à son nom. Personne ne semble y prêter attention car un petit oubli, passé inaperçu à l'époque, transforme Breyell en Bryell...

Bryell II

2 avril 2012. Incrédule devant l'écran du PC où s'affiche la photo du clinomètre de... Bryell, Frans Maas qui nous reçoit dans sa maison de Breskens comprend enfin de quel bateau je m'entretiens avec lui depuis plusieurs semaines !

Et pour ma part, je commence à comprendre pourquoi Britton Chance Jr. et André Nelis ne comprenaient pas trop mes courriers à propos de ce Bryell...

Le plan n°35

Commandé à Britton Chance Jr. par l'ex-copropriétaire de Tina (qui regrettait d'avoir cédé ses parts à son frère), le n°35 devra donc être encore plus véloce.

S'il présente en toute logique des analogies avec le plan de Tina, ses appendices seront toutefois bien plus inclinés.

Autre analogie, sa quille sera équipée d'un trimmer... lesté, de 300 kilos de plomb !

Britton Chance Jr. 

Plan n°35Breyell

À l'intérieur, du moins sur le papier, le moteur est centré au milieu du carré, quitte à faire installer un coûteux et énergivore dispositif hydraulique pour entraîner l'hélice, décentrée (sur bâbord), jauge IOR incline.

***

Première problématique

Après son baptême à Breskens, rien ne se passe cependant comme prévu : les contres-performances de Breyell s'accumulent en course. Elles semblent principalement dues à la difficulté de barrer, surtout dès que le vent forcît.

André Nelis, double médaillé olympique en Finn, futur patron de la voilerie North Belgium et skipper du bateau signale qu'en plus d'être dure, la barre vient buter contre les parois de la baignoire du cockpit. Il suggère de la faire modifier afin qu'elle puisse raser les bancs. Cela ne changera pas grand chose...

La cause vient-elle alors de l'inclinaison du gouvernail ? Il sera finalement redressé, mais plus tard, par le propriétaire suivant qui se chargera de ces travaux apparemment indispensables.

Le problème de Breyell était-il donc bien là, sous la flottaison ?

Oui mais...

Avant cette opération chirurgicale lourde, l'angle entre la mèche et la barre n'était que de seulement 50°. Or, idéalement, cet angle doit être de 90°. En effet, une barre a beau être longue, plus elle est redressée par rapport à la mèche du gouvernail et plus son bras de levier diminue. La longueur effective du bras de levier de la barre (longue de 120 cm) n'était en fait que d'environ 77 cm (schéma). Ceci expliquant cela.

Des essais au port, barre orientée vers l'arrière et positionnée à 90° par rapport à la mèche de safran auraient entériné cette théorie ; l'installation d'une barre à roue pouvait ensuite résoudre "simplement" cette première problématique d'importance.

Cela dit, en redressant le gouvernail et en l'équipant d'un profil Naca bien compensé, le successeur d'Edward De Beukelaer fera d'une pierre deux coups : il apportera enfin douceur et liberté de mouvements à la barre du plan n°35 de Britton Chance Jr.

schema gouvernail origine

Sous She

Rebaptisé par la suite She, Voodoo et enfin Bryell, le plan Chance apporte satisfaction à ses propriétaires successifs, sa quille et son safran ayant été modifiés à l'époque de She.

Mais à quel prix ? Devenu très raide à la toile "grâce" aux 500 kilos rajoutés dans la quille, Bryell équipé de winchs puissants est dès lors condamné à fatiguer rapidement ses jeux de voiles, son gréement, ses équipiers. Dans le petit temps, il n'est pas un foudre de guerre. À flot il paraît très enfoncé dans ses lignes tandis qu'au sec, le design improvisé du binôme safran/quille lui a fait perdre de sa superbe.

En l'absence d'une réelle concurrence (Tina), il remporte toutefois pas mal d'épreuves du CCMA jusqu'en 2012, année du début de son refit qui va durer 2 bonnes années.

Seconde problématique

Pour des raisons techniques évidentes, Frans Maas ne veut pas lester le trimmer et le fait réaliser en CP. Ses 300 kilos de plomb sont transférés plus haut, à la place du réservoir de gasoil dans le retour de galbord de la quille.

Celle-ci prenant naissance bien en avant de l'épontille du mât, l'équilibre longitudinal de Breyell s'en trouve modifié. De son côté, l'aileron perd 15 % de sa masse initiale...

NB : en février 1968, tout en maintenant les niveaux de plomb de la quille et du trimmer, Britton Chance avait recommandé de placer au même endroit la même quantité de lest mais sous forme de grenaille.

bryell en tranches

Jamais 2 sans 3...

Initialement prévu au milieu du carré, le moteur Saab de 20 CV (environ 100 kg sans sa pompe de transmission hydraulique) est finalement installé sur le côté bâbord de l'épontille du mât. Donc assez haut.

Ses autres périphériques hydrauliques (133 kilos + supports acier divers + canalisations) sont, à l'exception du boitier de l'hélice, positionnés au-dessus du niveau des planchers, sur bâbord.

Pour contrebalancer ce déséquilibre latéral, 170 kilos de gueuzes de plomb sont calés sous la couchette tribord du carré...

Une motorisation peu efficace, encombrante, coûteuse et au final très lourde : plus de 400 kilos de surcroît placés très haut !

Compte tenu des résultats, son armateur déçu se sépare rapidement de son racer-cruiser flambant neuf. Pourtant la voilerie Gastra, son sponsor, l'avait équipé d'un excellent jeu de voiles dont une grand-voile révolutionnaire à corne...

***

 Configuration après refit


Safran redressé et profil de quille repris. Des 500 kilos de plomb trouvés dans la "rallonge de quille", 280 des 300 prévus par l'architecte seront introduits sous forme de grenaille (noyée dans une vingtaine de kilos de paraffine) dans l'espace initialement occupé par le CP du trimmer.

bryell yacht maas britton chance